lundi 10 décembre 2018

De ce que l'on modifie et qui doit rester inchangé

L'autre jour, une âme bien intentionnée s'est proposé de relire mon blog et de "prendre des notes". Je n'avais rien contre cette proposition et étais même assez curieuse de voir ce qu'il ressortirait de cette entreprise.

Au début, je fus assez surprise de retrouver des mots que j'avais oubliés, que je ne savais plus avoir écrits... mais je fus assez déçue quand je vis que les notes ne consistaient en réalité, le commentateur s'étant débrouillé pour effacer toutes les séparations, qu'en de vagues citations, dépossédées de leur contexte mais triées thématiquement. Plus de date précise, seulement une évocation de l'année. Je me suis sentie comme dépossédée : de quel droit s'appropriait-on mes mots, mes phrases pour en faire une sorte de globiboulga, où, même trié, tout était mélangé ? Où tout semblait fade. La vie, c'est la succession des hauts et des bas, du chaud et du froid, des jours et des nuits. Présenter la lumière sans faire gouter les ténèbres déshumanise l'existence.

Bref, je ne m'y retrouvais plus, ma bonne âme ne m'avait pas comprise et moi, je me découvrais : possessive, argneuse comme une mère corbeau qui protège ses petits. En une fraction de seconde, ma patience s'est envolée. Plutôt que de remercier ma bonne âme, je me suis acharnée sur elle, déversant un torrent de paroles virtuelles pour expliquer au mieux l'affront qui m'avait été fait. 

 On ne touche pas les oeuvres d'un auteur, on ne doit rien y ajouter, rien y enlever. Tant que l'auteur est vivant, c'est à lui de faire son oeuvre, de la toucher, de la modeler, de la travailler. Sa vie toute entière doit y être consacrée et personne n'a le droit de s'octroyer le fruit de son travail, de le modifier et d'en changer ne serait-ce qu'une virgule. On peut conseiller, donner son avis, critiquer mais là s'arrête la tâche du critique, du commentateur.

Peut-être tous les auteurs ne réagissent-ils pas ainsi, peut-être certains s'enrichissent-ils du brassage de leurs mots par d'autres ? Moi, pas. J'ai eu peur car j'ai vu mes mots s'échapper, fuir en courant, me glisser des doigts. J'aime qu'ils restent près de moi, confidentiels, et qu'ils résonnent, autant que faire se peut, dans le silence. 

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