samedi 30 mai 2020

Une photo de Marie s'affiche sur mon écran : elle a les yeux rieurs, quelques plis autour. Le temps a passé. Marie c'était la première personne (et la seule) que j'ai rencontré grâce à mon écriture. C'était dans une autre vie, à l'époque des Skyblog. A l'époque, plus jeune que moi,  j'avais l'impression que quelque part, elle m'admirait. 

Nous n'échangions pas beaucoup, je savais peu de choses sur elle... Seulement ce que les réseaux sociaux me renvoyaient : un fille entourée, avec une bande d'amis, des sourires, des fous rires.  Je crois que j'étais un peu jalouse de ce bonheur - comme je le suis toujours. J'aurais aimé faire partie de cette bande, avoir ma bande, des amis fidèles pour aller me baigner dans la rivière l'été, partir en vacances, faire du camping, croquer la vie à pleine dents. 
Mes tentatives se sont toujours soldées par des échecs, par des disputes, par des ruptures. Je n'étais pas faite pour l'idéal auquel j'aspirais, j'en demandais, j'en demande, trop aux autres. Je voulais une communion totale, parfaite... mais j'étais, je suis, la seule à le vouloir. J'aurais dû renoncer. Je devrais renoncer. Mais vivre n'est pas renoncer. Je ne peux pas me contenter d'une solution médiocre. Je veux vivre, c'est à-dire vibrer, ensemble. Il me faut l'excellence, la synérgie. Et j'ai l'orgueil de croire que c'est ce qu'il nous faut.  Les moments de grâce sont si rares. Peut-être ai-je eu tort d'avoir voulu les provoquer ? mais j'ai au moins la satisfaction d'avoir essayé. 

Le bonheur ne se commande pas, il est. 
Ne reste plus qu'à attendre.

Pendant longtemps ma marque de fabrique, c'était de m'enfoncer dans le malheur. Sans douleur, je ne pouvais pas écrire, les sentiments me semblaient moins profonds, les phrases moins percutantes. Mes mots devaient se nourrir de la douleur, la pétrir, la malaxer pour enfin la transcender. L'écriture était ma compagne. En écrivant, je me sentais moins seule. Je me parlais à moi-même et parfois je trouvais du réconfort dans mes mots.

J'ai bien évolué. Maintenant, j'achète des robes, cela me procure un bonheur éphémère illusoire.
Je n'ai aucune raison de les porter, ce sont des artifices, des faux-semblants pour cacher derrière un mur de couleurs la banalité de la vie, sa monotonie, et quelque part, sa vanité. 

***

Se contenter d'essayer ? A tous les sens du terme.





vendredi 20 mars 2020

La maladie se propage...  
Après l'effervescence du supermarché, le bonheur des jours oisifs voici venu le néant des journées enfermée. 

Au départ, il a fallu apprendre à faire cours à distance. Apprendre à gérer les messages angoissés des élèves. Apprendre à supporter le flux ininterrompu de messages des collègues sur Whatsapp. Jongler entre les mails, Pronote, Whatsapp, le téléphone... Les premiers jours passent vite : je reçois plein de messages, les gens appellent (étant donné les circonstances, ils ont oublié mon anniversaire), je me suis résolue à faire du sport (une heure de vélo et des abdos), je lis, je suis motivée... et plus les jours passent, plus je me sens oppressée : trop de messages, pas assez d'air  Je me réjouis des choses les plus communes : aller chercher le courrier ou jeter les poubelles, allumer une bougie au parfum estival.

Je cherche un moyen de m'échapper, de dépasser les limites de mon appartement. Les nouvelles se font de moins en moins rassurantes, je m'en veux de profiter, de me réjouir, de me croire un peu en vacances. Je commence à m'interroger sur mes cours : est-ce que j'en fais assez ? Ne devrais-je pas en faire plus ? 

Un mail de la principale arrive fort à propos, nous demandant si nous souhaitons être volontaires pour garder les enfants de soignants (et autres professions indispensables). Je prends la conversation en cours, la plupart de mes collègues ont déjà répondu qu"ils ne se portaient pas volontaires. Je trouve leurs réponses très abruptes. Je m'interroge longuement sur la réponse à donner. Je n'ose dire oui car les conditions sont trop floues et que je ne veux pas m'engager sans savoir dans quoi. Mais d'un autre côté, les soignants se battent pour nous et ne se posent pas de questions, nous leur devons bien ça... Je ne sais que répondre, le dilemme me torture. 

Nicolas me presse : nous devions sortir et il est déjà 16 heures. Je m'efforce de me mettre en route. Il fait beau, le soleil bat son plein. Munis de notre autorisation de sortie, nous goutons à la liberté avec un petit sentiment de culpabilité. Nous pensons à ce printemps perdu et nous émerveillons des choses les plus banales : poster une lettre, retirer un colis ou acheter du liquide vaiselle. Tout prend une dimension exceptionnelle.  Nous croisons quelques personnes mais nous écartons sur leur passage. Les "bonjour" et les sourires doivent être arrachés des bouches. La situation est grave. Impression d'être étrangers au monde, d'avancer dans un autre univers.  
D'habitude, les sorties en ville sont plus que rapides, on ne veut pas perdre de temps et on se dépêche de rentrer à la maision pour faire tout ce qui doit être fait. Cette fois-ci j'aurais aimé que la sortie s'éternise et que le printemps ne finisse jamais.

Après la balade, mes idées sont un peu plus claires alors je réponds que j'aimerais avoir plus de précisions avant de me prononcer. Quelques collègues finissent par  répondre qu'ils se portent volontaires et cela me fait chaud au coeur. Je réfléchis sur les intentions des uns et des autres : volonté de se protéger ou de protéger leur famille, envie de profiter de cette parenthèse pour faire tout ce qu'ils n'ont pas le temps de faire le reste du temps... Aucune réponse ne me satisfait et au fond de moi demeure cette interrogation : comment peut-on être aussi égoiste ? Les blagues des uns et des autres me sont d'autant plus pénibles à supporter.

Les vidéos et les articles pleuvent. Tous les médias, toutes les conversations, toutes les pensées sont tournées vers une seule chose. Si je regarde un film, je me dis : "ils se font la bise, nous n'avons plus le droit", une pub "tiens, ils sont dehors et nous sommes enfermés". Absolument tout nous ramène au corona. On ne parle que de ça, on ne pense qu'à ça, tout en ne sachant rien... si bien qu"il devient difficile de s'échapper... de dédramatiser... et même de respirer. 





lundi 16 mars 2020

Une nouvelle menace pèse sur la planète. On la regarde de loin, on ne prend pas la chose au sérieu. On se moque des Chinois qui construisent un hôpital en moins de dix jours. On s'interroge sur les retombées économiques pour Samsung et pour le prochain Iphone. On se croit intouchables. On évoque les autres épidémies : le SRAS, la vache folle... On relativise : "ca va, il tue beaucoup moins que la grippe ce virus". 
Et puis, le virus se rapproche. Il est en Italie. On se pose la question des élèves italiens qui ont passé les vacances à l'étranger. On fait la rentrée. Lundi, rien. Mardi, on leur demande de rester chez eux... Mercredi cette mesure est annulée. Les élèves viennent, on ne sait pas trop. On plaisante : faut-il se faire la bise ? Allez, on la fait quand même ! On n'a pas peur puisqu'on est jeunes et qu'on a peu de risque de l'attraper. Vendredi, on pense à autre chose. On quitte une formation car on a vraiment trop mal au ventre. On revient à la maison après avoir vomi dans les toilettes du collège. On se tord de douleur, on n'arrive pas à dormir même si on est KO. On est vraiment mal en point. Et samedi, on savoure la joie d'être en vie et de pouvoir sortir même s'il y a du vent. On va manger des huitres avec Laura et son copain à Istres. Il n'y a presque personne, dix fois moins de gens que l'an dernier. Les gens ont-ils peur du virus ? Que se passe-t-il ?

Les cas se multiplient. On continue notre vie. On va au collège, en formation à Aix, au CA à Miramas, à Avignon pour une nouvelle formation. On passe voir ses grand-parents et on espère ne pas être atteint. On se pose la question, on regrette un peu d'être venu mais en même temps... les occasions sont si rares. Le soir, on va voir des amies, on refait la bise. Ca fait du bien de parler, ça faisait longtemps. On parle du virus, de son impact sur nos vies (Maison du monde a fermé ses magasins en Italie). Jeudi, on va voir une expo à Salon. Une touriste italienne marche sur le pied de Nicolas et s'excuse en italien. Ca nous fait beaucoup moins rire. J'ai un peu mal à la gorge, suis-je malade ? Je deviens hypocondriaque. Je vais à l'aquagym, ça me fait du bien. Vendredi je suis encore en formation à Aix. L'après-midi, on nous demande de nous installer dans un minuscule bureau pour observer une expérience scientifique : personne n'ose s'opposer. Quelqu'un remarque que pour éviter la contamination ce n'est pas top. La formatrice répond que c'est déjà trop tard. 

La veille Macron avait fait une intervention télévisée : il évoquait le fermeture des écoles à partir du lundi 16 mars tout en maintenant le premier tour des élections municipales. Face à ces mesures contradictoires, nous nous interrogions. On a passé tout le week-end à attendre, essayant de savoir si on irait au collège, si on ferait les conseils de classe... On a écouté le discours de Blanquer qui mentait ouvertement aux Français leur disant que le système était prêt pour faire cours à distance... On a attendu. 

 On apprend à rester confiné chez nous, on cède même à la panique : on va faire des courses alors que les placards et le frigo sont pleins. On se décourage devant le Leclerc bondé, plein de gens qui ne respectent pas les préconisations. On participe à un conseil de classe en visioconférence. Et ce soir, lundi, on a appris qu'on était en temps de guerre. Alors oui, forcément on a peur. On se demande comment ça va se passer si...? 

Et il faut accepter de ne pas savoir.

samedi 15 février 2020

"Je mets un tableau sur un mur. Ensuite, j'oublie qu'il y a un mur. Je ne sais plus ce qu'il y a derrière ce mur, je ne sais plus qu'il y a un mur, je ne sais plus que ce mur est un mur, je ne sais plus ce que c'est qu'un mur. Je ne sais plus que dans mon appartement, il y a des murs, et que s'il y avait pas de murs, il n'y aurait pas d'appartement. Le mur n'est plus ce qui délimite et définit le lieu où je vis, ce qui le sépare des autres lieux où les autres vivent, il n'est plus qu'un support pour le tableau. Mais j'oublie aussi le tableau, je ne le regarde plus, je ne sais plus le regarder. J'ai mis le tableau sur le mur pour oublier qu'il y avait un mur, mais en oubliant le mur, j'oublie aussi le tableau. Il y a des tableaux parce qu'il y a des murs et l'on a rien trouvé de mieux pour ça que les tableaux. Ou alors il faudrait changer continuellement, soit de mur, soit de tableau, mettre sans cesse d'autres tableaux sur les murs, ou tout le temps changer le tableau de mur.
On pourrait écrire sur ces murs ( comme on écrit parfois sur les façades des maisons, sur les palissades des chantiers, sur les murailles des prisons), mais on ne le fait que très rarement."
Georges Perec, Espèces d'espaces (1974).


lundi 3 février 2020

Je crois que je m'étais un peu perdue et que je me suis un peu retrouvée.

Le monde va tellement vite que la question n'est plus de savoir si l'on va bien ou mal mais d'arriver à déterminer si l'on est encore soi.

Je n'écris plus et pourtant il faudrait écrire davantage, noter quelque part ce mélange de joies et de peines qui font la vie d'aujourd'hui afin de ne pas la laisser sombrer totalement dans l'oubli. 
Temps partiel, grêve, retraites, muffins, sorties cinéma, théâtre, rhume, bavardages, anniversaire, vieillesse, café, salades, amies, trop, pas assez, jamais satisfaite...

2020, je n'ai encore rien publié cette année. Je n'ai pas le temps, pas l'envie, pas le besoin. Et pourtant... Moins j'écris et plus je me perds. Aujourd'hui, j'ai ressenti ce gouffre qui s'est créé peu à peu entre moi et moi-même, entre ce que j'étais et ce que je suis devenue, entre ce que j'ai acquis et ce que j'ai perdu.

La vérité est que je n'ai plus le temps de me retrouver ou alors est-ce une excuse ? En tout cas, je n'arrive pas à entrer dans cet état de lucidité transcendentale (sortons les grands mots) qui permet l'écriture. 
Je ne suis jamais seule et jamais libre : mes pensées voguent toujours de l'une à l'autre des mille choses à faire (concevoir des cours de latin, corriger des copies, me cultiver sur la civilisation greco-romaine, sur les films de collège au cinéma,  m'interroger sur les élèves collées à cause de l'option équitation, acheter des habits en solde et les renvoyer, réfléchir à ce qu'on mange à midi, jouer à des jeux, lire des livres, caresser Tigrou, partager mes pensées ou regarder un film...). 

J'ai beaucoup évolué : j'ai été titularisée, j'ai perdu 20 kilos, je commence à m'en sortir en tant que prof, je suis dans une relation stable et je suis Pacsée. Tout va pour le mieux, je veux donner l'image d'une femme qui avance, qui fait du sport, qui lit des livres, qui se cultive et qui ne se laisse pas abattre. Quelqu'un de positif et de compétent qui a laissé les problèmes derrière, qui a tourné la page. L'illusion a si bien fonctionné que je ne m'estime plus en droit d'évoquer mes problèmes devant mes amies. 
Mais ce n'est pas pour autant que l'image parfaite qui leur est renvoyée est la réalité. La vérité, c'est que parfois ça ne va pas et que je ne peux plus le dire. Mes malheurs sont dérisoires et je n'ai plus personne à qui les confier. Personne n'a envie de les entendre, personne n'a envie de m'écouter Alors je me tais. J'attends que ça passe. Et même moi, je ne m'écoute plus. Mais parfois, je réalie que je suis fatiguée. Et ces derniers jours à cause de plein de petites choses qui s'ajoutent, je ne vais pas très bien. Ce n'est pas grave. Il y a des hauts et des bas et demain, peut-être que tout ira mieux. 

En attendant, je voualais juste dire qu'on ne tire pas un trait aussi facilement sur qui on était et aujourd'hui, je me suis souvenue que j'avais aussi le droit de pleurer. Et que ce n'était pas grave s'il n'y avait personne pour m'écouter.

Voilà une vérité fondamentale. 

Et justement,  peut-être que c'est en abolissant tout dialogue avec autrui que je peux renouer le lien qui m'unissait à la feuille de papier. 







dimanche 3 novembre 2019

La Turquie : mélange de couleurs, de saveurs, de souvenirs.
Une expérience enrichissante et dépaysante.
Un voyage géographique et intérieur.

Des situations qui font relativiser.
Un retour exaltant et chaleureux.
Il est temps de vivre sans se gâcher la vie.

Essayer de laisser l'amour nous traverser, comme dans le livre Soufi, mon amour d'Elie Shafak.
Essayer de positiver avec le chant du coq de Cocorico !

Il est temps de passer un cap.
De vivre en étant toujours un peu en vacances.


Et même si on n'a pas le temps.


vendredi 18 octobre 2019

Mal au coeur d'entendre au loin l'écho des mots vengeurs, assassins. Ceux contre lesquels on ne peut pas se défendre et qu'il vaut mieux ignorer.

Deçue des Autres, de ceux qui se veulent Adultes et Humanistes.

Qu'il est difficile de se frayer un chemin dans le monde et de trouver sa voie.
Se résigner à avancer sans regarder sur le côté. Porter des oeillères.
Tout ignorer.