mardi 30 octobre 2018

Quand un objectif est réalisé, la nature laisse place à un grand vide qu'il faut s'évertuer, péniblement à combler.

Aller oui, il a les copies à corriger, l'agence à harceler, le ménage à faire, le linge à repasser, l'appartement à ranger... mais pas de quoi être pleinement comblée.

Je ne veux pas me contenter d'une existence morose. 

mot-rose 
mort-ose
maux-roses

Je ne veux pas que la finalité de ma vie soit d'attendre les prochaines vacances, et celles d'après...
Je veux trouver du sens chaque jour, savoir pourquoi je me lève chaque matin, pourquoi je vis, pour quoi je vibre et avancer. Espérer que demain sera mieux n'est pas la solution.
Je ne veux pas me débattre, seulement me battre et ainsi, m'élever.

Ma vie manque de Grande Cause, de Grand Projet.
Il faut rapidement en trouver un, sous peine d'inexorablement sombrer.


(J'aime bien les adverbes.)




lundi 29 octobre 2018

Déploration

Une semaine enchantée, si douce, chaude et merveilleuse.
Une expérience si belle qui ne devrait jamais s'arrêter.

Et puis le dur retour.
Le vide, le froid, la peur.
La solitude.

Ne pas avoir le temps de décompresser.
Retrouver la réalité.
Brute, grise, déprimante.

Il faut survivre.
Prendre un café.
Ecouter une chanson.
Revenir à ses bonnes vieilles habitudes.
Mettre des chaussettes bien chaudes.
Trouver une nouvelle raison d'exister.



mercredi 17 octobre 2018

Ce matin : ciel gris, maussade. Esprit embrumé, envie d'ailleurs.

Et puis, le silence de la salle des profs, agréablement vide tous les jours entre 8h et 9h. 
Un café, pour survivre. Gestes répétitifs : poser le sac sur une chaise, longer le bar, tendre le bras et... s'arrêter émerveillée devant un océan de tasses abandonnées, le dos voûté, attendant, sèches déjà, qu'on veuille bien les récupérer.

Il y a des tasses colorées, scintillantes, énergiques. Des tasses neuves, reçues en cadeau, des tasses usagées avec les inscriptions qui s'effacent peu à peu. Il y a les petites tasses qui veulent se faire oublier, les tasses pour se donner un genre, celles dont on ne se sert plus et qui restent là, faute de mieux, ou encore celle que le collègue emprunte systématiquement car il est trop compliqué d'amener la sienne...

Face à cet océan de tasses, véritable cimetière domestique, j'ai vacillé. Il y avait trop d'histoires à inventer.

---

Je me suis demandée dans quelle mesure notre tasse était représentative de notre personnalité.
Et puis, j'ai songé à la mienne : une tasse blanche et marron (des couleurs que je n'apprécie pas spécialement), toute simple, avec un dessin de tasse à café (je n'avais jamais remarqué à quel point c'était méta avant d'écrire à ce propos) et une inscription "mocha" quelque chose (je n'y ai jamais vraiment prêté attention)... Bref, j'avais choisi la tasse la plus moche de ma collection, celle à laquelle je tenais le moins, celle dont je me suis dit que je pourrais la casser par inadvertance sans m'en vouloir infiniment. Que dit ma tasse de moi ? Sûrement pas grand chose de positif. J'ai eu envie de sourire face à cette évidence. Et maintenant, alors que je n'y avais jamais pensé avant, je me dis que je serais triste si ma petite tasse venait à se casser. Il y a entre elle et moi un silence paisible et respectueux, une entente muette et cordiale, quelque chose comme une chaleur réconfortante qui me manqueraient. 

vendredi 12 octobre 2018

À une heure du matin


Enfin ! seul ! On n’entend plus que le roulement de quelques fiacres attardés et éreintés. Pendant quelques heures, nous posséderons le silence, sinon le repos. 
Enfin ! la tyrannie de la face humaine a disparu, et je ne souffrirai plus que par moi-même.
Enfin ! il m’est donc permis de me délasser dans un bain de ténèbres ! D’abord, un double tour à la serrure. Il me semble que ce tour de clef augmentera ma solitude et fortifiera les barricades qui me séparent actuellement du monde.
Horrible vie ! Horrible ville ! Récapitulons la journée : avoir vu plusieurs hommes de lettres, dont l’un m’a demandé si l’on pouvait aller en Russie par voie de terre (il prenait sans doute la Russie pour une île) ; avoir disputé généreusement contre le directeur d’une revue, qui à chaque objection répondait : « — C’est ici le parti des honnêtes gens, » ce qui implique que tous les autres journaux sont rédigés par des coquins ; avoir salué une vingtaine de personnes, dont quinze me sont inconnues ; avoir distribué des poignées de main dans la même proportion, et cela sans avoir pris la précaution d’acheter des gants ; être monté pour tuer le temps, pendant une averse, chez une sauteuse qui m’a prié de lui dessiner un costume de Vénustre ; avoir fait ma cour à un directeur de théâtre, qui m’a dit en me congédiant : « — Vous feriez peut-être bien de vous adresser à Z… ; c’est le plus lourd, le plus sot et le plus célèbre de tous mes auteurs, avec lui vous pourriez peut-être aboutir à quelque chose. Voyez-le, et puis nous verrons ; » m’être vanté (pourquoi ?) de plusieurs vilaines actions que je n’ai jamais commises, et avoir lâchement nié quelques autres méfaits que j’ai accomplis avec joie, délit de fanfaronnade, crime de respect humain ; avoir refusé à un ami un service facile, et donné une recommandation écrite à un parfait drôle ; ouf ! est-ce bien fini ?
Mécontent de tous et mécontent de moi, je voudrais bien me racheter et m’enorgueillir un peu dans le silence et la solitude de la nuit. Âmes de ceux que j’ai aimés, âmes de ceux que j’ai chantés, fortifiez-moi, soutenez-moi, éloignez de moi le mensonge et les vapeurs corruptrices du monde, et vous, Seigneur mon Dieu ! accordez-moi la grâce de produire quelques beaux vers qui me prouvent à moi-même que je ne suis pas le dernier des hommes, que je ne suis pas inférieur à ceux que je méprise !

Charles Baudelaire, Petits poèmes en prose, 1869
Des gouttes de piano qui tombent comme des larmes.


Langueur triste, monotone.
Ainsi est mon âme : trop éreintée pour affronter le monde.

La vie ? Un cycle de douceur et de misères.
(Si peu de douceur, trop de misères.)