vendredi 20 mars 2020

La maladie se propage...  
Après l'effervescence du supermarché, le bonheur des jours oisifs voici venu le néant des journées enfermée. 

Au départ, il a fallu apprendre à faire cours à distance. Apprendre à gérer les messages angoissés des élèves. Apprendre à supporter le flux ininterrompu de messages des collègues sur Whatsapp. Jongler entre les mails, Pronote, Whatsapp, le téléphone... Les premiers jours passent vite : je reçois plein de messages, les gens appellent (étant donné les circonstances, ils ont oublié mon anniversaire), je me suis résolue à faire du sport (une heure de vélo et des abdos), je lis, je suis motivée... et plus les jours passent, plus je me sens oppressée : trop de messages, pas assez d'air  Je me réjouis des choses les plus communes : aller chercher le courrier ou jeter les poubelles, allumer une bougie au parfum estival.

Je cherche un moyen de m'échapper, de dépasser les limites de mon appartement. Les nouvelles se font de moins en moins rassurantes, je m'en veux de profiter, de me réjouir, de me croire un peu en vacances. Je commence à m'interroger sur mes cours : est-ce que j'en fais assez ? Ne devrais-je pas en faire plus ? 

Un mail de la principale arrive fort à propos, nous demandant si nous souhaitons être volontaires pour garder les enfants de soignants (et autres professions indispensables). Je prends la conversation en cours, la plupart de mes collègues ont déjà répondu qu"ils ne se portaient pas volontaires. Je trouve leurs réponses très abruptes. Je m'interroge longuement sur la réponse à donner. Je n'ose dire oui car les conditions sont trop floues et que je ne veux pas m'engager sans savoir dans quoi. Mais d'un autre côté, les soignants se battent pour nous et ne se posent pas de questions, nous leur devons bien ça... Je ne sais que répondre, le dilemme me torture. 

Nicolas me presse : nous devions sortir et il est déjà 16 heures. Je m'efforce de me mettre en route. Il fait beau, le soleil bat son plein. Munis de notre autorisation de sortie, nous goutons à la liberté avec un petit sentiment de culpabilité. Nous pensons à ce printemps perdu et nous émerveillons des choses les plus banales : poster une lettre, retirer un colis ou acheter du liquide vaiselle. Tout prend une dimension exceptionnelle.  Nous croisons quelques personnes mais nous écartons sur leur passage. Les "bonjour" et les sourires doivent être arrachés des bouches. La situation est grave. Impression d'être étrangers au monde, d'avancer dans un autre univers.  
D'habitude, les sorties en ville sont plus que rapides, on ne veut pas perdre de temps et on se dépêche de rentrer à la maision pour faire tout ce qui doit être fait. Cette fois-ci j'aurais aimé que la sortie s'éternise et que le printemps ne finisse jamais.

Après la balade, mes idées sont un peu plus claires alors je réponds que j'aimerais avoir plus de précisions avant de me prononcer. Quelques collègues finissent par  répondre qu'ils se portent volontaires et cela me fait chaud au coeur. Je réfléchis sur les intentions des uns et des autres : volonté de se protéger ou de protéger leur famille, envie de profiter de cette parenthèse pour faire tout ce qu'ils n'ont pas le temps de faire le reste du temps... Aucune réponse ne me satisfait et au fond de moi demeure cette interrogation : comment peut-on être aussi égoiste ? Les blagues des uns et des autres me sont d'autant plus pénibles à supporter.

Les vidéos et les articles pleuvent. Tous les médias, toutes les conversations, toutes les pensées sont tournées vers une seule chose. Si je regarde un film, je me dis : "ils se font la bise, nous n'avons plus le droit", une pub "tiens, ils sont dehors et nous sommes enfermés". Absolument tout nous ramène au corona. On ne parle que de ça, on ne pense qu'à ça, tout en ne sachant rien... si bien qu"il devient difficile de s'échapper... de dédramatiser... et même de respirer. 





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